La question du mois

J’ai remarqué des changements dans le comportement d’une de mes employées. Elle s’isole graduellement du reste de l’équipe, semble préoccupée et s’absente de plus en plus fréquemment du travail. Elle est toujours accompagnée de son conjoint les matins où elle se présente sur le lieu de travail et lorsqu’elle quitte en fin de journée. Elle aurait également confié à une collègue que l’ambiance à la maison est tendue depuis un certain temps. J’ai cru comprendre que les employeurs ont maintenant l’obligation de prendre des mesures lorsqu’ils ou elles suspectent un travailleur ou une travailleuse d’être victime de violence conjugale, familiale ou à caractère sexuel. Quelles sont mes obligations dans un cas comme celui-ci ?

Effectivement, les employeurs sont désormais tenus d’intervenir lorsqu’ils savent ou devraient raisonnablement savoir qu’un membre du personnel vit une situation de violence conjugale, familiale ou à caractère sexuel sur les lieux de travail. Cette nouvelle obligation suscite des inquiétudes et des questionnements chez plusieurs employeurs. Voici, concrètement, en quoi consiste cette nouvelle obligation :

Protéger la santé et la sécurité des membres du personnel sur les lieux de travail

Les lieux de travail sont tous les endroits où une personne est susceptible de se trouver pour réaliser son travail. Il s’agit donc, bien évidemment de l’établissement où elle travaille, mais aussi des alentours de ce lieu (par exemple un stationnement réservé aux employés) et du domicile, si la personne y réalise ses tâches.

Si un employeur sait ou devrait raisonnablement savoir qu’un.e employé.e est exposé.e à une situation de violence, il doit identifier et éliminer les dangers associés. Il pourrait, par exemple, interdire l’accès au lieu de travail aux personnes qui ne sont pas à l’embauche de l’organisation ou, dans un cas de violence conjugale, permettre à l’employé.e d’exercer ses fonctions à un poste de travail situé dans l’établissement plutôt qu’en télétravail.

Autoriser les congés prévus par la loi

La Loi sur les normes du travail (LNT) prévoit des congés pour les travailleuses et travailleurs qui doivent s’absenter en raison de violence conjugale, familiale ou à caractère sexuel. S’il s’avère que votre employé.e est exposé.e à une situation de violence et qu’il ou elle vous avise qu’il ou elle ne pourra être présente au travail, vous aurez l’obligation de lui accorder un congé sans salaire pouvant aller jusqu’à 26 semaines par période de 12 mois. Vous devrez également maintenir le lien d’emploi pendant cette absence. Veuillez noter que, dans certains cas, la loi autorise les employeurs à demander des pièces justificatives (certificat médical, rapport de police ou autre).

Respecter la vie privée de la personne victime en cas de dévoilement

La loi n’autorise toutefois pas les employeurs à poser des questions indiscrètes aux membres du personnel, ni à recueillir des informations privées à leur sujet. Elle interdit également tout employeur d’obliger un.e employé.e à dénoncer la situation de violence qu’il ou elle vit.

Dans le cas où un membre du personnel dévoilerait la situation de violence à laquelle il ou elle est exposé.e, l’employeur doit faire preuve de discernement pour déterminer les actions qu’il prendra par la suite. Si la situation ne paraît pas urgente, il doit avoir l’autorisation de l’employé.e pour partager l’information avec une tierce partie ou pour mettre en place un plan d’action propre à ce risque.

Porter plainte à la police en cas d’urgence et de danger pour la vie d’une personne

Si une situation semble nécessiter une intervention immédiate, l’employeur doit contacter les services d’urgence. Les questions suivantes peuvent être utiles pour déterminer s’il convient de porter plainte à la police ou non :

  • L’intervention vise-t-elle à prévenir un acte de violence?
  • La nature de la menace inspire-t-elle un sentiment d’urgence?
  • Y a-t-il raison de croire qu’un risque sérieux de mort ou de blessures graves menace la personne?

Actuellement, les mesures que les employeurs doivent mettre en place en lien avec les situations de violence conjugale, familiale et sexuelle ne sont pas clairement définies par la loi. Vous devez néanmoins prévoir dès maintenant des mesures de sensibilisation, comme des ateliers offerts à l’ensemble du personnel et le partage d’informations par le biais des communications internes de l’établissement (intranet, lieux communs ou autre). L’ASFETM vous recommande également d’élaborer une politique en matière de violence conjugale, familiale et sexuelle le plus rapidement possible. Ce document permettra d’encadrer les mesures de prévention et d’intervention que vous aurez définies, comme la liste des actions de sensibilisation, ainsi que les mesures de confidentialité et d’accommodement. La CNESST rend disponible un modèle de politique en matière de harcèlement psychologique ou sexuel au travail auquel vous pourriez vous référer. Vous pouvez accéder au modèle en cliquant le lien ci-dessous :

Modèle de politique en matière de harcèlement psychologique ou sexuel au travail et de traitement des plaintes | Commission des normes de l’équité de la santé et de la sécurité du travail – CNESST (gouv.qc.ca)

Il importe de souligner que les impacts de la violence conjugale, familiale et sexuelle se font également ressentir par les individus qui n’y sont pas directement exposés. Pensez, par exemple, aux collègues de votre employée. Certains d’entre eux manifestent peut-être des inquiétudes, du stress ou un manque de motivation en raison d’une charge de travail croissante. Des conflits ou une ambiance toxique sont peut-être apparus au sein de l’équipe. Pour l’employeur, ces changements peuvent se traduire par une hausse des accidents de travail et des pertes de personnel, de productivité et de revenus.

Pour en apprendre davantage sur la violence conjugale en milieu de travail et les obligations de l’employeur, je vous invite à vous inscrire à la webconférence « Milieux de travail alliés contre la violence conjugale » organisé par l’ASFETM et présenté par le Regroupement des maisons pour femmes victimes de violence conjugale. Arina Grigorescu, conférencière et chargée du programme « Milieux de travail alliés contre la violence conjugale », vous outillera pour reconnaître les signes de violence conjugale, pour y réagir de façon appropriée et pour mettre en place des mesures de soutien. Vous pouvez vous inscrire à cet webconférence, qui aura lieu le 18 mai 2023 à 12h30, en cliquant sur ce lien : Inscription au webinaire – Zoom

Merci pour votre question et bon suite pour vos démarches !

Référence :

La violence conjugale : rôle et obligations légales des milieux de travail | Apprentissage en ligne | Éducaloi (educaloi.qc.ca)

Liens utiles :

Violence conjugale : soutenir vos collègues | Éducaloi (educaloi.qc.ca)

Comment prévenir la violence conjugale au travail? | Éducaloi (educaloi.qc.ca)

Le harcèlement sexuel au travail | Éducaloi (educaloi.qc.ca)