La question du mois
J’ai récemment été nommé agent de liaison dans l’établissement où je travaille. Comme la personne qui vous a écrit le mois dernier, l’intégration des risques psychosociaux au plan d’action représente un défi de taille. Vous avez déjà donné des moyens pour identifier les RPS, pourriez-vous maintenant m’éclairer sur les types de mesures correctrices qui peuvent être mises en place ?
Bien sûr.
J’aimerais tout d’abord vous féliciter sur votre prise en charge rapide des risques psychosociaux (RPS). Ces risques ne semblent pas encore avoir fait leur chemin au sommet de la liste des priorités SST des entreprises, surtout celles qui, comme celle où vous travaillez, comptent moins de 20 travailleurs et ont moins de ressources dédiées à la santé et à la sécurité du travail.
Les interventions que vous pouvez proposer dans votre plan d’action se divisent en deux catégories. Les interventions individuelles s’intéressent aux facteurs qui sont propres aux individus, au travail et à l’extérieur du travail. Le recours à ce type d’interventions en prévention des risques psychosociaux entraîne des résultats rapides, mais peu durables puisqu‘elles sont orientées sur les conséquences des RPS.
Les interventions organisationnelles, pour leur part, s’attaquent aux causes des RPS. Elles ciblent entre autres les pratiques de gestion et devraient être mises en place en complément aux interventions individuelles, dans un environnement de travail où on observerait des taux élevés d’absentéisme, de présentéisme, de roulement de personnel, de demandes d’invalidité à long terme, de même qu’un climat de travail tendu. Les effets des interventions organisationnelles sont plus longs à se manifester, mais perdurent davantage dans le temps. Derrière ce type d’interventions se trouve bien souvent une direction sérieusement engagée dans l’amélioration des conditions de travail des travailleurs.
Regardons maintenant chacun des risques psychosociaux et des exemples concrets de mesures préventives que vous pourriez ajouter à votre plan d’action.
CHARGE DE TRAVAIL
La charge de travail fait non seulement référence à la quantité de tâches à accomplir par les travailleurs, mais aussi aux exigences intellectuelles requises et au temps qui leur est alloué pour réaliser ces tâches.
Pour rétablir une situation dans laquelle la charge de travail des employés pourrait être trop élevée, vous pourriez, par exemple :
- Donner des objectifs clairs et réalistes
- Mettre les travailleurs à contribution dans la recherche de solutions (organisation du temps de travail, développement des compétences, répartition des rôles, etc)
- Permettre aux travailleurs d’exprimer leur point de vue en vous assurant d’être attentif à leurs propos
- Faire preuve de reconnaissance envers les employés pour leurs efforts
AUTONOMIE DÉCISIONNELLE
Les travailleurs qui bénéficient d’une forte autonomie décisionnelle sont ceux qui ont la liberté de décider de la façon d’exécuter leurs tâches et d’influencer le déroulement des choses dans leur environnement de travail. Ils jouissent également d’opportunités leur permettant d’utiliser leur créativité et de développer de nouvelles compétences.
Pour augmenter le niveau d’autonomie décisionnelle des travailleurs, pensez à :
- Les impliquer dans les décisions qui concernent leur travail et la façon de l’accomplir
- Leur accorder une certaine marge de manœuvre (tout en maintenant l’atteinte des objectifs préalablement fixés)
- Encourager les prises d’initiatives
- Les soutenir dans le développement de nouvelles compétences professionnelles (en élaborant un plan de formation, par exemple)
RECONNAISSANCE AU TRAVAIL
La reconnaissance des efforts et réalisations des travailleurs peut se manifester de différentes façons : hausse de rémunération, d’estime, de respect, d’équité, de sécurité d’emploi ou perspective de promotion. Pour être efficace, la reconnaissance doit être authentique et porter sur le travail (le faire) plutôt que sur la personne (l’être).
Pour vous assurer que les travailleurs perçoivent la reconnaissance que vous éprouvez, pensez à :
- Reconnaître leur engagement, même si des obstacles ont empêché l’atteinte des objectifs visés
- Les consulter sur des choix stratégiques en lien avec leur champ d’expertise, si possible
- Vous assurer de valoriser l’apport de chacun
SOUTIEN SOCIAL DU GESTIONNAIRE ET DES COLLÈGUES
Le soutien social du supérieur immédiat fait référence à la capacité du gestionnaire à soutenir les travailleurs et se manifeste par des pratiques de gestion qui valorisent la disponibilité, l’écoute et l’ouverture aux opinions des autres. Le soutien social des collègues renvoie plutôt à l’esprit d’équipe en place et au niveau d’entraide et de collaboration entre les travailleurs.
Si les employés de l’établissement où vous travaillez ne se sentent pas soutenus par leur gestionnaire et leurs collègues, ou qu’ils ont l’impression de ne pas être traités avec un niveau de dignité, de politesse ou de respect acceptable, pensez à :
- Être davantage disponible et à l’écoute
- Accompagner les travailleurs dans les moments difficiles en offrant un support technique et/ou moral
- Faire preuve de discernement et considérer les erreurs comme des opportunités d’apprentissage
HARCÈLEMENT PSYCHOLOGIQUE
L’article 81.18 de la Loi sur les normes du travail définit le harcèlement psychologique comme « une conduite vexatoire se manifestant soit par des comportements, des paroles, des actes ou des gestes répétés, qui sont hostiles ou non désirés, laquelle porte atteinte à la dignité ou à l’intégrité psychologique ou physique du salarié ou de la salariée et qui entraîne, pour celui-ci ou celle-ci, un milieu de travail néfaste ». Il se manifeste à travers des actions telles qu’empêcher une personne de s’exprimer, l’isoler, la déstabiliser, la déconsidérer, la menacer, l’agresser, etc.
Si de tels comportements ne sont pas observés dans votre environnement, vous devez tout de même mettre en place des mesures préventives telles que :
- Mettre sur pied une politique de harcèlement psychologique et la rendre accessible à tous les travailleurs
- Informer et écouter le personnel
- Intervenir rapidement lorsqu’une situation à risque se manifeste
- Offrir le soutien nécessaire aux personnes concernées
INFORMATION ET COMMUNICATION
Une mauvaise diffusion de l’information au sein d’une entreprise entraîne souvent un climat de méfiance dans lequel l’incertitude et l’anxiété règnent. Il est donc préférable de mettre en place des pratiques qui assurent une bonne diffusion de l’information pour permettre aux travailleurs de connaître les changements susceptibles de modifier leur travail et ainsi mieux s’y préparer.
Pour améliorer la diffusion de l’information et la communication au sein de l’établissement où vous travaillez, pensez à :
- Anticiper les changements et leurs impacts sur les travailleurs
- Consulter les travailleurs au sujet des changements à venir, si possible
- Communiquer rapidement et clairement tout changement prévu
- Rester disponible pour répondre aux questions des travailleurs et échanger avec eux
- Former les travailleurs (en raison d’un changement de procédé, par exemple)
Les risques psychosociaux sont des risques comme les autres. Vous avez donc à les identifier et les éliminer ou les contrôler. Vous remarquerez sans doute que certains de ces RPS sont plus présents que d’autres dans votre milieu de travail. Certains d’entre eux peuvent même aussi varier d’un département à l’autre. Pour déterminer les mesures préventives à inclure à votre plan d’action, je vous suggère de vous poser les questions suivantes : Les mesures sont-elles réalistes ? Contribueront-t-elles vraiment à améliorer la situation ? Avez-vous les ressources nécessaires pour les mettre en place ? Les travailleurs seront-ils favorables à ces mesures ?
Il se peut que les mesures préventives que vous sélectionnerez ne figurent pas dans la liste ci-dessus. Soyez sans crainte… L’important est d’avoir des mesures préventives qui sont adaptées aux risques psychosociaux présents dans votre établissement et, surtout, d’en assurer la mise en place. Bonne continuation !